Brezons pendant la révolution française !

Brezons pendant la révolution française !

La crise politique de l’été 1789 avait épargné Brezons ! Les habitants avaient en effet d’autres préoccupations suite à la mauvaise récolte de 1788. Et par ailleurs, grâce aux droits d’usage acquis et aux faibles impositions négociées au cours des siècles contre les seigneurs de Brezons… Les brezondins n’avaient pas attendu l’élan national pour revendiquer leurs droits depuis longtemps ! (Voir l’article « les révoltes des Brezondins ») Ainsi, la première manifestation de mécontentement des Brezondins fut symbolique pour protester contre les nouvelles taxes et les réquisitions imposées par le directoire du district, la population a arraché l’arbre de la liberté à Brezons le 22 février 1790. Suite à un rapport à l’encontre de l’agent municipal de la commune de Brezons pour négligence  » tant à l’égard du renversement de l’arbre de la Liberté, dont il n’a même pas dressé un procès-verbal, que dans l’exécution des lois sur les prêtres réfractaires », le directoire le destitue.

1791 : Les premiers signes de révolte

L’élection en mars et avril 1791 puis l’installation des mois de mai à juin 1791 des curés constitutionnels provoquent des troubles religieux dans les campagnes cantaliennes surtout dans des cantons non-jureurs de Chaudes-Aigues, Saint-Flour, Montsalvy, Pierrefort et Pleaux. De manière récurrente, les curés constitutionnels sont attaqués, ainsi à Sainte-Marie, les femmes jettent des pierres au curé qui se rendait à l’église. On rapporte alors que « dans presque toutes les municipalités du district des attroupements de plus ou moins grande importance avaient eu lieu « . Les détachements de paysans et de gardes nationaux exigeaient « des citoyens suspectés d’aristocratisme des redevances substantielles, les forçaient (…) à reconnaitre l’autorité du curé constitutionnel« . Un curé non-jureur, aussi appelé réfractaire, à l’inverse d’un curé constitutionnel est un curé qui a refusé de prêter serment  à la constitution républicaine. Dans le canton de Pierrefort, 55% d’entre eux ont refusé ce serment dont le curé de Brezons.

Ainsi, le chanoine Pautard nous raconte, dans son « Histoire des paroisses de Brezons et du Bourguet » publié en 1900, les déboires de Mr Pierre Jouve (curé de Brezons de 1773 à 1824). En effet, le curé ne put se résoudre à quitter sa paroisse en pleine tourmente révolutionnaire et avait décidé de se cacher des commissaires du district;  » Sans doute il était prudent et se cachait pendant le jour, mais la nuit il parcourait les villages accompagné de gens surs et dévoués, baptisait les enfants, bénissait les mariages, assistait les mourants, offrait le saint sacrifice de la messe, tantôt dans une chambre, tantôt dans une grange, le plus souvent au fond d’une écurie. Lorsqu’il se croyait recherché, il se retirait dans une grotte ou de maison de curé. Seuls un petit nombre d’amis la connaissaient, mais pour tout au monde ils se fussent bien gardés de trahir le secret, sans compromettre le bien aimé pasteur. » Les brezondins avaient donc choisi de protéger leur curé par loyauté.

Mars 1792, la grande insurrection paysanne

Le recrutement le 18 mars des gardes nationales mit le feu aux poudres dans le canton de Pierrefort. Une occasion pour les hommes de se réunir, de se concerter, de s’organiser pour agir ensemble. Ainsi les paysans tourmentés décidèrent de se rebeller. Ils pillèrent les châteaux (Volpilière, Vigouroux, Lescure, Rochebrune, Neyrebrousse…), saisissaient le grain, les provisions, l’argent, brûlaient les archives des seigneur et organisaient de formidables banquets pour le population.

L’agent national du district d’Aurillac parla alors d’« une sainte insurrection contre les aristocrates ». Ainsi Hugues de Lastic, le seigneur du château de Lescure subit la vindict populaire. Il fut pillé et fut fortement conseillé par un membre de la municipalité de Saint-Martin de dire qu’il s’agissait d’un don fait aux pauvres de la paroisse plutôt que de parler de vols. Mr Lastic par peur de représailles écouta ce sage conseil. Les curés non-jureurs furent aussitôt désignés responsables de ces jacqueries. Ainsi, les gardes nationales de Pierrefort et Paulhac rapportèrent aux commissaires du district le 20 mars 1792 : « Les prêtres réfractaires nous y mènent à l’anarchie parce qu’ils nous mènent à la guerre civile, et on est las de n’être pas en paix à cause d’eux ; qu’il deviennent bons citoyens et que tout le monde aille à la messe ». Le problème n’était en rien politique mais c’était bien l’attachement de la population à leur curé non-assermenté, en place souvent depuis des années, qui posa le plus de problèmes.

On retrouve dans les archives départementales du Cantal la mention d’un jugement concernant un cultivateur de Brezons, Mr Bory, condamné le 18 Mai 1792 à deux ans de détention et à l’exposition préalable sur la place publique de Saint-Flour pour avoir frappé Mr Barbès, membre en fonctions de la municipalité de Cézens. Fort heureusement, le curé Jouve de Brezons qui avait par ailleurs assisté aux États généraux réunis à Saint-Flour le 27 mars 1789, prêta allégeance à la constitution moins par conviction que pour rester auprès de ses ouailles.

L’ex-noble du château de Lescure eu moins de chance, et ce, malgré la discrétion du vieil homme (72 ans en 1792), Mr Lastic fut accusé par le comité révolutionnaire du Cantal d’envoyer des lettres à ses frères Pierre-Joseph et François émigrés en Espagne… Des ennemis de la République ! Malgré l’achat du silence des juges du Cantal pour 12 000 francs, Mr Lastic fut condamné à mort par le tribunal révolutionnaire de Paris. il fut guillotiné le 12 mai 1794.

La famine de 1794

A l’été 1794, un rapport décrit une situation fut alarmante dans tout le canton. La population avait subi un été caniculaire en 1793 suivi d’un hiver glacial avec deux longues périodes de gelées. A Pierrefort, on distribua quelques livres de pain. A Brezons, la population subit de plein fouet la solidarité patriotique et les réquisitions successives, le marché noir fit monter les prix en flèche et la disette se propagea partout. Le 12 juin 1794, le rapport fait état de la situation des habitants de Malbo qui se retrouvèrent réduits aux extrémités et ne subsistèrent que de lait et de fromage. A Chaudes-Aigues, la population fut même obligée de manger de l’herbe pour survivre…

A Brezons, entre les rigueurs du climat et la famine, on pensa vite que ces fléaux étaient du à la destruction par les révolutionnaires de la chapelle Sainte-Madeleine de Méjanesserre. Si la statue de la sainte et les deux petites cloches avaient pu être sauvées, on perdit la trace de ses dernières… Mais il fallut attendre 1844 pour reconstruite la petit chapelle grâce au curé Bergaud… Et attendre encore 1898 Pour que l’église de Brezons retrouve ses trois cloches autrefois perquisitionnées par le directoire du district.

Sarah Hubert-Marquez

Bibliographie :
Anatoli ADO  » Paysans en révolution : Terre, pouvoir et kacquerie (1789-1794)
Pierre CHASSANG, « 1789-1794. La Révolution dans les districts de Saint-Flour et de Murat« , Éditions Créer, 2008.
Jonathan R. DALBY, « Les paysans cantaliens et la révolution française (1789-1794), Institut d’Études du Massif Central,
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