A la rencontre de Sylvain Johnson…

A la rencontre de Sylvain Johnson…

Interview publiée le 18 novembre 2012 sur le site d’information locale infos-dijon.com.

C’est une longue histoire entre la capitale des Ducs de Bourgogne, ambassadrice outre-atlantique de la France et le romancier québécois Sylvain Johnson. Primé pour son texte Le Cartel de Dijon lors de l’opération « La Bataille des 10 mots » en mars 2011 puis collaborant avec la rédaction dijonnaise de la revue Freaks Corp., l’auteur travaille aujourd’hui dans un collectif franco-québécois de huit écrivains nommé « Les Fossoyeurs de Rêves ».

Actuellement en séances de dédicace au 35e Salon du livre de Montréal au Québec pour la sortie de son roman « Le Tueur des rails », Sylvain Johnson a bien voulu répondre sans détours à nos questions.

S.H-M : Il y a un peu plus d’un an, vous avez été primé lors de l’opération de « La Bataille des 10 mots », on vous a retrouvé aussi au sommaire de la revue Freaks Corp, deux initiatives créées à Dijon. Une amitié transatlantique est née grâce à Internet avec des artistes bourguignons. D’où vous vient cet amour de la France et de Dijon en particulier ?

Sylvain Johnson : J’ai grandi en entendant parler de la Bourgogne. Dans le petit village québécois où je résidais, une grande partie de l’économie était basée sur le tourisme et en particulier sur la visite de nos cousins français. J’ai donc ainsi pu découvrir avec joie et surprise la culture francophone riche et colorée de la France. J’étais abasourdi par la gentillesse et l’intelligence des gens que je rencontrais. Leurs qualités culinaires ont servi plus d’une fois à remplir mon estomac… Qui n’a jamais gouté de cuisine française n’a jamais bien mangé, je vous le garantis ! La fameuse moutarde de Dijon est un condiment incontournable sur nos tables. La France demeure toujours le centre mondial de la culture francophone et ce fut avec joie que j’ai commencé à lire de plus en plus de livres venant de ce pays que je rêve toujours de visiter. Ma découverte d’une association dijonnaise et de son magazine Freaks Corp., ainsi que le concours des dix mots ont été des éléments essentiels à ma carrière. Freaks Corp. fut une véritable rampe de lancement et je me suis lié d’amitié avec certains des membres de l’organisation.

S.H-M : Votre roman est une fiction très réaliste… Effectivement, le passage où Thomas se remémore la disparition de son petit frère alors qu’ils jouaient ensemble au bord d’une voie ferrée nous rappelle en France le drame de Montigny lès Metz*.
Connaissiez-vous cette affaire ? Vous inspirez vous des faits divers ?

C’est la première fois que j’entends parler de cette histoire et cela me donne des frissons juste à y penser. J’espère que cette énigme sera résolue dans un futur proche et que les familles trouveront les réponses qu’ils cherchent pour vivre leur deuil en paix.

Je ne m’inspire pas consciemment de faits divers ou réels, ce sont des images mentales ou des évènements que j’imagine qui remplissent mes romans. Des scénarios qui prennent naissance dans mon esprit malade.

S.H-M : Dans Le Tueur des Rails,  vous avez un regard critique sur la société actuelle. Une scène qui se déroule dans un bar de nuit est particulièrement savoureuse : « Il y avait beaucoup de jeunes femmes dévoilant leurs attributs, entourées d’hommes salivant et participant à cette loterie humaine, dans l’espoir de remporter le gros lot sexuel » (p.26). La suite est encore plus éloquente quant à la bestialité de l’homme.
Pensez-vous que l’homme est un animal comme les autres ?

Pour être franc, je crois que l’homme est le plus bas échelon dans l’éventail des créatures vivantes. Il suffit de voir ce que nous sommes en train de faire à ce monde d’une beauté incroyable. Depuis la nuit des temps, nous envahissons des territoires, éliminons des populations entières pour notre profit. Regardez ce que nous avons fait aux indigènes vivants dans les Amériques, l’esclavage des gens de couleurs et les conséquences du troisième Reich. Nous avons cette manie de convoiter, d’abuser ou de détruire tout ce qui est beau. Observez aussi ce qui se passe avec les populations animales de certaines régions qu’on qualifie d’indésirables, comme les loups. Des méthodes barbares d’éliminations afin de préserver quoi? Un territoire qu’on leur a pris de force?

Oui, nous sommes une race horrible, mais disons qu’il y a de l’espoir.

S.H-M : Dans votre roman,  le lecteur a l’impression constante de marcher sur un fil… cet effet est du a son incapacité à s’attacher aux personnages principaux : Thomas étant à la fois victime et prédateur, Lilly trop borderline et agissant de manière souvent dangereuse. Du coup, cette instabilité renforce l’intégrité du tueur en série aux yeux du lecteur. Une conséquence voulue n’est-ce pas ? Et vous, si vous étiez un de vos personnages, lequel seriez vous et pourquoi ?

En effet, même si Thomas et Lilly sont au début les victimes dans cette histoire et le tueur des rails un monstre crapuleux, on découvre à mesure qu’on avance dans le récit qu’il existe des zones d’ombres où les personnages évoluent. Des zones où ils sont à la fois bons et mauvais, troublés et normaux. Je ne crois pas aux personnages tout blancs ou tout noirs comme dans les histoires de Disney.

Il ne fait aucun doute dans mon esprit que Sheridan, le tueur des rails, est le véritable héros de cette histoire, l’élément qui connecte Lilly et Thomas. Sans lui, cette histoire n’existerait pas.

Malheureusement, si j’étais un de mes personnages (Dieu m’en préserve), je serais Thomas. J’ai vécu des moments difficiles que je préfère oublier. L’écriture m’a sauvé, comme la vérité au sujet de son petit frère sauvera Thomas.

S.H-M : Beaucoup de français s’étonnent quand ils reviennent de votre beau pays, de l’indépendance des femmes québécoises. On retrouve cette évolution rapide de la condition féminine dans Le Tueur des Rails. On note la différence entre la mère de Thomas, une femme au foyer complètement aliénée par son mari, et Lilly qui veut « n’avoir plus jamais à se reposer sur d’autres pour assurer sa subsistance » (p.72). Alors l’égalité Homme-Femme au Québec, un mythe ou une réalité ?

En tant que peuple, les Québécois ont fait beaucoup de chemin depuis les années soixante-dix. Depuis que nous nous sommes libérés de l’étau catholique qui contrôlait presque tout. Les femmes se sont libérées, mais c’est toujours un monde d’homme. L’inégalité des salaires en est la preuve. La perception erronée que c’est à la femme de s’occuper des taches ménagères et d’être une bonne petite servante est toujours là. En particulier chez les quarante ans et plus.

Les jeunes femmes sont plus libres, mais la société américaine qui sert souvent de modèle nous écrase avec l’image de la femme Barbie à la sexualité essentielle. Le sexe vend et avec ce sexe, c’est la dégradation de l’identité féminine. La femme devient un objet, il faut maigrir à en être malade, suivre une mode malsaine et plaire aux hommes.

Parfois, on se croirait à l’âge médiéval !

S.H-M : Votre second roman L’Esprit des Glaces vient de sortir, comment avez-vous aborder son écriture ?

J’ai écrit une première version de l’Esprit des glaces il y a plusieurs années. Je l’ai ensuite abandonnée. Cette version antérieure est vraiment différente du roman actuel. Il m’a fallu deux autres réécritures presque complètes pour être satisfait. Ce fut un long travail d’écriture, s’étalant sur au moins quatre ans. Mais j’en suis très fier. Et mon éditeur m’a grandement aidé de ses conseils.

S.H-M : On retrouve dans vos deux romans l’idée d’un Mal absolu, ancestral et insidieux. Il se transmet à travers les âges ou à travers « la mémoire du tueur » (p.137) La seule manière d’échapper à son contrôle semble être une forme d’acceptation voir de soumission à son sort. Par bien des aspects, ce sujet nous rappelle la tradition chamanique ou l’inconscient collectif cher à Carl Gustav Jung. Le rêve apparaît d’ailleurs comme une clef primordiale pour comprendre le sens de notre comportement. Croyez-vous aussi que nous portons individuellement chacun  l’héritage de l’humanité ?

Tout à fait. Nous avons en nous la mémoire des tueurs qui nous ont précédés. Nous avons perdu la capacité de ressentir ces souvenirs ancestraux. Le mal, ce n’est pas un tueur sadique ou une chose millénaire qui vit sur un sommet ensoleillé. Le mal, il est en nous, nous sommes ce mal. Non pas en tant qu’individu, mais en tant que collectivité, que société moderne. Dans notre esprit, nous détenons la clé de notre évolution et pour certains, cette clé peut servir à ouvrir la porte et le mal est alors libre de proliférer. Le meurtre, le viol, tout cela vit en nous et pour la plupart restera caché à jamais.

Le mal existe et nous le côtoyons tous les jours.

S.H-M : En France, où peut-on se procurer vos ouvrages ?

Pour l’instant, mes livres ne sont disponibles qu’en ligne. Le site de mon éditeur est un endroit idéal pour en faire la commande. (www.editionscram.com/porte-bonheur)

En plus de la version papier de mon livre, il est possible d’en faire l’acquisition en version numérique. C’est un achat instantané très simple et qui permet de recevoir mon livre en fichier en quelques minutes. De partout dans le monde. (http://vitrine.entrepotnumerique.com/publications/15217-le-tueur-des-rails)

La plupart des sites de ventes de livres québécois proposent « Le Tueur des rails ». Mon second roman « L’Esprit des glaces » sera disponible d’ici quelques semaines.

Je suis aussi à la recherche d’un éditeur français – alors n’hésitez pas à me contacter !

Propos recueillis par
Sarah Hubert-Marquez


Site de l’auteur : http://sylvainjohnson.wordpress.com/
Site de l’éditeur : www.editionscram.com/porte-bonheur/

Présentation éditeur de « L’Esprit des Glaces » :

L’avion de Walter Johnson, riche financier, s’écrase dans les montagnes du New Hampshire. Il survit, mais le pilote trouve la mort… et sa femme aussi. Toutefois, le corps de cette dernière est introuvable. Gravement blessé, Walter réalise que, contre toute attente, il n’est pas seul sur la montagne… Une chose inhumaine, millénaire, – l’Esprit des Glaces – fait alors son apparition, puissante créature immortelle, flanquée d’Alexandra, la femme de Walter, vague silhouette reprise à la mort par l’Esprit des Glaces lui

même. La Bête propose à Walter un marché, que son instinct de survie le poussera à accepter : « Je te ramène parmi les tiens, les hommes, et tu me laisses Alexandra… » Certain, en raison de son immense fortune, de la retrouver dès son retour à la civilisation, Walter accepte, abandonnant du même coup sa femme adorée au monstre des cimes.

Malgré tout son argent et toutes ses énergies, il ne la retrouvera jamais. Rongé par le remords et la solitude, il vivra un enfer quotidien durant quarante ans. Jusqu’au jour où elle lui revient… presque inchangée, plus jeune, plus belle et plus énigmatique que jamais. Vieillard malade, il tombe sous l’emprise démoniaque de celle qui fut jadis sa bien

aimée : que lui veut

elle? Pourquoi le fait

elle autant souffrir? Meurtres, violences et torture psychologique : la spirale de la vengeance et de la haine est en branle…

 

* NDRL : Une affaire de double homicide sur deux garçons de 8 ans, Cyril Beining et Alexandre Beckrich. Retrouvés assassinés le 26 septembre 1986 alors qu’ils jouaient aux bords des voies de chemins de fer. Cette affaire est toujours non résolue aujourd’hui même s’il a été démontré que le psychopathe Francis Haulmes appelé aussi « Le Routard du crime » travaillait au moment des faits à 400 m du lieu du crime…

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