Le Donjon de la Boyle

Le Donjon de la Boyle

Un peu d’histoire…
d’après « Les seigneurs de Brezons » d’Alfred Loussert.

Château de la Boyle entre 1900 et 1920

Château du XVe siècle, en partie démantelé en 1628 sur ordre de Richelieu à la fin des guerres de religion. Dans le cartulaire de Saint-Flour, Mr Boudet décrit l’ancien château avec ses trois tours, son pont-levis (existant encore en 1658) et son fossé alimenté par le ruisseau de Sagnarade. La maison de Laboual* est citée pour la première fois dans les documents historiques en 1294. Quant au château dont nous connaissons le donjon actuel, les éléments architecturaux nous permettent de le dater du XVe siècle, certainement reconstruit à l’emplacement de l’ancien château fort. Selon certaines sources, le château aurait été édifié plutôt au XIVe siècle par Pierre de Brezons.

Le château aurait toujours appartenu aux seigneurs de Brezons jusqu’au XVIIe siècle où il revint par succession à Marie Berthon de Crillon qui le laissa à l’abandon au profit du château de Lescure avant de résider à Avignon. Elle permit à François Salesses de Murat et sa famille de s’installer dans la demeure seigneuriale des Brezons et de percevoir les rentes rattachées au fief. Mais il fut rapidement chassé dans les derniers jours de novembre 1627 par la bande armée de François Pons de la Grange, sieur de Frugières qui se prétendait le légitime propriétaire du château. Le vice bailli se présenta à la porte du château de La Boyle pour ordonner au sieur de Frugière de quitter les lieux. Mais le représentant du roi fut copieusement insulté et menacé d’une arquebuse. il n’en fallu pas plus au Cardinal de Richelieu pour ordonner le démantèlement des défenses du château de La Boyle.

A la mort de Marie Berthon de Crillon, dame de Brezons, le donjon revint à son frère Georges de Crillon puis à son fils Charles de Brancas, comte de Villard. George de Crillon délégua tous ses droits seigneuriaux et même le droit de justice à Antoine de Traverse, un bourgeois de Murat qui délégua à son tour toutes ces responsabilités à son neveu Poncet de Traverse. Suite aux dettes de George de Crillon, le fief et le donjon de la Boyle furent saisis par la justice puis affermés le 19 décembre 1658 aux fermiers de la commune : Jean Laccassagne, Antoine Vidalenc du Bourguet, Antoine Bergault de la Vidalenc et Pierre Expert de Brezons.

Charles de Brancas reçut les biens d’Auvergne de son père dont le fief de Brezons cette même année. Inhabité depuis Charles de Brezons (1530-1619) qui préférait vivre au château de Lescure, le donjon de La Boyle était dans un état catastrophique.  Un rapport du couvreur et charpentier de Pierre Revel de Cézens en 1658 décrit la vétusté du donjon et de la grange attenante. Les trois fermiers Lacassagne, Bergault et Expert s’engagèrent à fournir tout le chêne nécessaire à sa réhabilitation ainsi qu’à remettre en état le buron de la montagne Friponget.

Façade, vue depuis la gauche en 1969

La fille de Charles de Brancas, Françoise de Brancas de Brezons épousa le 25 février 1667, Alphonse Henri Charles de Lorraine, prince d’Harcourt, Comte de Montloris et conseiller du roi. Le nouveau seigneur de Brezons décida de mettre systématiquement en pagésie** les terres de Brezons de 1667 à 1676. Mais Françoise de Brancas de Brezons resta très attachée au fief de Brezons. La princesse d’Harcourt tint à remplir les engagements contractés en 1641 par son aieule Marie Berthon de Crillon; en 1699, elle donna 300 livres de rentes annuelles à la ville de Murat pour l’entretien de trois sœurs de la charité de la congrégation de Nevers chargées des malades et de l’instruction des jeunes filles. Elle autorisa également la construction d’une chapelle au château et paya à ses frais un chapelain pour que les habitants de la haute vallée puissent entendre la messe le dimanche.

Le prince Anne Marie Joseph de Lorraine, prince de Guize hérita du fief  et le vend à Alexandre Emmanuel de Cassagnes de Beaufort, Marquis de Miremont le 30 octobre 1728 apparenté à la famille de Brezons par le mariage de de ses aïeux à Marie Marguerite de Brezons en 1649. Le 18 mars 1780, Jean Gaspard de Cassagnes de Beaufort, Marquis de Miremont vend le donjon et le domaine de la Boyle à Antoine Baduel, avocat au parlement, conseiller du roi. Le 28 janvier 1799, par acte de partage, La Boyle revint à une de ses filles Jeanne Baduel qui épousa Antoine Beaufils, notaire à Saint-Flour. Mr Beaufils décéda en 1809 et Mme Beaufils en 1812 laissant derrière eux de nombreux enfants mineurs. Mais entretemps la tourmente révolutionnaire était passée (voir notre article : Brezons pendant la révolution française)… Et le fermier du domaine avait élu domicile au château. Un beau jour, mystérieusement, il partit… Vite remplacé par des vagabonds qui utilisaient les planchers comme bois de chauffage.

En 2013

A la majorité des cohéritiers Beaufils, c’est le mari de Rosalie Beaufils, Alexis Henry, avocat à Saint-flour qui géra les affaires de la propriété pour sa belle famille. Le château se transforma en résidence d’été puis ils décidèrent de le vendre en 1841. C’est le sieur Ernest de Villers avocat à Paris qui se porta acquéreur. Mais il décida de poursuivre les cohéritiers de procédure en procédure judiciaire en impliquant les habitants de Brezons et de Cézens pour acheter le domaine au rabais et obtenir le rétablissement des droits seigneuriaux. C’était sans compter sur le caractère tenace et vigilant des brezondins (voir notre article : Les révoltes des brezondins). Le sieur de Villers fut emprisonné pour faux et usage de faux et la vente annulée pour défaut de paiement.

En 1861, Auguste Mourton de Clermont-Ferrand, mari de Léonie Henry (le fille de Rosalie Beaufils et Alexis Henry) rachète La Boyle. Mais en 1862, un incendie provoqué par la foudre détruit les étages supérieurs et a necessité la renouvellement de la charpente et couverture. La mère d’Auguste Mourton fit construire la petite chapelle sur le chemin du Bourguet pendant que son fils était en garnison à la Rochelle. Placée sous le vocable de Notre-Dame de la visitation, la chapelle possède un vitrail représentant l’apparition de la vierge au berger de Lescure, Jean Paillé en 1717. Auguste Mourton décède en 1875 puis sa femme Léonie Henry en 1908. Le donjon de la Boyle échut à Marthe Mourton, supérieure du couvent de la visitation à Riom et Henry Mourton, chef d’escadron d’artillerie à la retraite. A leur mort, le domaine revint à une congrégation religieuse qui le vendit en 1957 à Mr Marcel Martin, président de la Commission des Monuments Historiques du Plan. Celui-ci entreprit la restauration du donjon et le fit inscrire à l’inventaire des monuments historiques le 11 avril 1958.

Description

La présence de nombreux boulets de fonte d’environ 18 kg en moyenne atteste des nombreux conflits notamment dus aux guerres de religion. Rappelons qu’en 1560, Charles de Brezons, chevalier de l’ordre du roi et capitaine gouverneur du château de Murat et lieutenant général de la Haute-Auvergne était un farouche défenseur de la ligue et semait la terreur parmi les huguenots. La demeure de Brezons fut à nombreuses reprises assiégée par les calvinistes.

Le donjon de 37 m de haut subsistant paraît avoir constitué l’essentiel du château. Cette construction présente un plan rectangulaire avec, au milieu de la façade sud-ouest, une tourelle à trois pans coupés renfermant l’escalier à vis accédant aux trois étages.

Cheminée de la grande salle au premier étage en 1965

Le rez-de-chaussée, surélevé au-dessus d’un sous-sol voûté en berceau, est divisé en deux pièces voûtées d’ogives profilées d’un filet encadré d’un cavet de chaque côté. Ces nervures retombent à pénétration dans les angles à partir d’une clef circulaire sculptée d’un écu. Chacune de ces pièces possède une vaste cheminée.

La plus grande salle servait de cuisine. Une porte au linteau orné de moulures prismatiques dont les extrémités pénètrent à la partie supérieure des piedroits moulurés en quart de rond, fait communiquer chaque pièce avec la cage d’escalier. Les embrasures des fenêtres comportent des bancs.

A chaque étage se retrouve la même disposition, avec quelques différences : les salles sont couvertes d’un plafond de bois ; les pièces du haut ne possèdent pas de cheminées. L’escalier débouche à sa partie supérieure sur le chemin de ronde percé de mâchicoulis et porté en encorbellement sur une rangée de corbeaux. Il est percé vers les angles d’archères. Une hotte surmontée d’un tuyau d’évacuation forme comme une cheminée en plein air.

Légende :

On raconte que le donjon de la Boyle marque la frontière au-delà de laquelle les pies ne peuvent voler. Elles auraient en effet été excommuniées sur le territoire de la Haute Vallée à cause d’un trop grand nombre de vols !

 

 

*  Le nom du domaine est également orthographié Laboual, La Beuil, Labuel.

** Pagésie : n.f. Terme de Droit – dans la Coutume d’Auvergne est une solidité que l’on exerce sur les Censitiares appelés Copagenaires. Cette espèce de tenure se trouve spécifiée aux Terriers de plusieurs Seigneuries c’est-à-dire, que chacun des détenteurs du fonds, est tenu solidairement aux cens et redevances, sans que le Seigneur soit tenu de diviser, ni de s’adresser à tous les détenteurs, si bon ne lui semble.

Bibliographie :
DE GANAY Henriette, « La Route des châteaux d’Auvergne », Nouv. éd. latines, 1986.
LOUSSERT Alfred, « Les Seigneurs de Brezons », Notes et Recueils Historiques, 1994.
MENIE Grégoire, « Un donjon en Auvergne [La Boyle] », 1965.

 

 

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