Mérigot Marchés* Le brigand qui ruina le château de la Grifoul !

Mérigot Marchés*  Le brigand qui ruina le château de la Grifoul !

Pendant de la guerre de cent ans (1337-1453), l’Auvergne était en proie aux bandes armées à la solde des Anglais. Placés sous le commandement d’un capitaine, ces routiers, souvent originaires du Sud-Ouest, étaient des mercenaires sans pitié semant la désolation dans nos montagnes. Ils s’installaient dans des places fortes et vivaient principalement du fruit de leur vol. Un des plus célèbres routiers qui sévissait en Auvergne était Mérigot Marchès. [1]

Originaire du Limousin, Mérigot (vers 1360-1391) était écuyer, fils ainé du chevalier Aymeri Marchès et de Marguerite d’Ussel. Il avait deux frères cadets Girart et Huguenin avec lesquels il prit rapidement le parti des Anglais. Nommé lieutenant spécial et capitaine général le 12 juin 1373 par lettres patentes du roi d’Angleterre Edouard III, Mérigot débarqua à Calais avec le Duc de Lancastre et 30 000 hommes. La compagnie traversa le Limousin et conquit Tulle puis Brive. Près de Montsalvy, la troupe s’épuisa en route et le Duc de Lancastre n’eut plus que 3000 hommes loqueteux qui se dispersèrent en bandes.

En 1382, Mérigot attaque le château de Mercoeur.

La horde de Mérigot entreprit alors ses terribles exploits à une cadence effrénée dans toute la région. Bien que brièvement arrêté en 1375 et emprisonné à la tour de Riom à l’âge de 24 ans, il repartit de plus belle avec ses hommes commettre ses exactions. Après avoir évacué ses deux places de Saint-Nectaire et de Charlus, il occupa la forteresse d’Alleuze puis en 1387 le fort abandonné de Roche-Vendeix près de la Bourboule (Puy de Dôme). Depuis cette base, il organisait des raids avec ses mercenaires pour piller et rançonner les habitants des contrées avoisinantes. Et voilà qu’un beau jour, le fameux capitaine visita la vallée de Brezons et défia le châtelain de La Griffoul.[2]

Caché sous un énorme rocher, bien en hauteur, le château était considéré comme imprenable et faisait la fierté de son propriétaire, le seigneur Amblard de Brezons. Abusant de sa position, celui-ci se montrait particulièrement condescendant envers les autres seigneurs de la contrée. On dit aussi qu’il fit construire un tunnel pour cacher ses écus d’or mais ça c’est une autre histoire…

Un jour Mérigot Marchés se présenta au château et demanda une audience auprès du châtelain. Amblard qui n’était pas le moins du monde intimidé par son visiteur, alla à la fenêtre avec une arquebuse à la main. Il lui somma de partir au plus vite et de ne jamais revenir.  Mérigot furieux s’enfuit en jurant de se venger. Il étudia attentivement le relief de la vallée de Brezons et fit faire à ses troupes une tranchée dans la montagne pour dévier les eaux du Railler. Le ruisseau bondit de son lit directement au pied du château. On n’eut jamais vues de plus belles cascades. Les eaux s’infiltrèrent rapidement dans les pièces du château et Amblard fut pris au piège, obligé de se rendre et de payer une forte rançon pour avoir la vie sauve. Sous ses yeux, il vit le château dont il était si fier s’effondrer.

Pendant près de dix ans, Mérigot constitua un trésor de cent mille francs d’or. On proposa une trêve au brigand ; il devait quitter le royaume pour combattre en Lombardie. Mais il refusa l’offre du roi de France Charles VI.

Le 23 juillet 1390, l’armée royale délogea Mérigot de la Roche-Vendeix qui s’enfuit chez un cousin germain Jean, sire de Tournemire (Cantal). Persuadé d’avoir bon accueil, il demanda l’hospitalité. Mais à peine Mérigot avait-il déposé «bonne cotte d’acier» que Jean avait élaboré un plan auprès du duc du Berry, lieutenant du roi en Auvergne, pour racheter ses propres méfaits. Le châtelain fit d’abord fermement enchaîner son cousin et envoya une lettre par laquelle en échange du pardon royal, il livrait Mérigot. Jean de Blaisy, seigneur de Mauvilly et chambellan du roi fut chargé des négociations. Le 9 avril 1391, le traité stipulait que le roi pardonnait tous les crimes et pilleries de Jean de Tournemire au cours de ses luttes avec le célèbre routier Geoffroy Tête-Noire, qu’il garantissait le maintien de son titre d’écuyer, qu’il remboursait 3 200 francs d’or pour les frais d’emprisonnement de son cousin auquel il ajoutait 11 000 francs d’or de récompense. En retour, Jean de Tournemire promettait allégeance au roi de France et fournirait 20 gens d’armes en cas de guerre contre le royaume. A la fin du mois de mai, le sénéchal d’Auvergne, Pons de Langeac, prit le prisonnier Mérigot sous sa garde jusqu’à son transfert à la Bastille à Paris. [3]

Le 12 juillet 1391 à Paris, Mérigot Marchès connut le supplice du pilori puis fut pendu et enfin écartelé. Jean Froissart indique dans ses chroniques qu’« On lui trancha la tête et son corps fût coupé en quartiers qui furent exposés aux quatre principales portes de Paris ». Son repaire de Roche-Vendeix fut détruit sur ordre du Vicomte de Meaux par les paysans de la région qui avaient subi ses méfaits.

 Sarah Hubert-Marquez

* Parfois orthographié Mérigot Marchez, Marcheis, Marchaiz, Marces, Marcheix ou Aymerigot Marchès. Le chroniqueur Jean Froissart (1327-1400) écrivait lui Aymerigot Marcel.

[1] Olivier Bonnet et Martine Petitrenaud, « L’Almanach de l’Auvergne », Coll. Pays et Terres de France, Editions Jacques Marseille/Larousse, 2003. (p.)
[2] J-F Pautard, « Histoire des paroisses de Brezons et duBourguet, Depuis les temps les plus reculés jusqu’à nos jours », Imprimerie Moderne, Aurillac, 1900. (p.)
[3] Henri Moranvillé, « La fin de Mérigot Marchès », Bibliothèque de l’École de Chartres, 1892.
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