Alésia : la polémique autour du site de la célèbre bataille !

Alésia : la polémique autour du site de la célèbre bataille !

Ah ! ça nous replonge tous à notre prime jeunesse, du temps où on nous apprenait l’histoire de nos ancêtres les gaulois ! Vous vous souvenez tous de cet épisode où Vercingétorix (chef de la résistance gauloise) capitule devant Jules César (en –52 av JC) après 40 jours de siège à Alésia. Vercingétorix avait réussi à fédérer les peuples gaulois (les Arvernes, les Éduens, les Bituriges, les Séquanes, les Parisii, les Sénons…) pour repousser l’envahisseur romain. Mais où est le site de la Bataille d’Alésia ?

Les débats continuent de diviser la communauté scientifique depuis 150 ans. Malgré l’officialisation du site d’Alise-Sainte-Reine, la controverse continue, voici son histoire :

Alise-Sainte-Reine a été le premier site identifié d’Alésia. Déjà en 865, le moine Héri dans son récit du transfert des reliques de Ste Reine d’Alise jusqu’à Flavigny (les fameux anis) fait le lien avec Alésia grâce à sa connaissance de la « Guerre des Gaules » de Jules César. En 1839, la découverte à Alise d’une stèle gallo-romaine portant l’inscription « ALISIIA » confirme l’identification du site.

Mais c’est en 1861 que le site d’Alise-Sainte-Reine va être officialisé par des fouilles archéologiques commandées par l’empereur Napoléon III. Passionné par l’histoire romaine et la guerre des Gaules il publiera son « Histoire de Jules César » en 1865. Les fouilles faites, durant le règne de Napoléon III, ont dégagé un vaste ensemble de fortifications (fossés, palissades) autour de l’oppidum gaulois et un important matériel dont la datation n’a pas toujours été bien reconnue.

C’est à la fin des années 1950 que les analyses du numismate Jean-Baptiste Colbert de Beaulieu démontrent l’authenticité des pièces de monnaies retrouvées à Alise au XIX e siècle. En 1974, Joël Le Gall publie l’une des tessères (jeton servant de ticket ou d’identification) retrouvées sur le site d’Alise portant le nom des Alisienses, les habitants d’Alésia. En 1989 sont publiées les archives des fouilles de Napoléon III. Enfin, les photographies prises par René Goguey (ci dessus) révélèrent les dispositifs de sièges que les tranchées des fouilles du XIXe siècle avaient recoupés.

Le déclassement comme site d’intérêt national d’Alise en 1998 fut parfois interprété par les tenants de l’hypothèse jurassienne comme un désaveu officiel du site. Mais il ne s’agissait que d’une décentralisation du site à la région qui peut désormais aménager le site comme bon lui semble.

Alphonse Delacroix un architecte défend la thèse du site d’Alaise (à 20 Km au sud de Besançon) en 1855 devant la société savante du Doubs. Il se repose sur les sources autrement dit les textes anciens et la méthodologie archéologique naissante. Il argumente sa thèse par la toponymie des lieux et les traditions locales. La rumeur locale voulait qu’autrefois Alaise était une ville. Le matériel trouvé à Alaise, notamment des armes, et datant de la Guerre des Gaules étayerait cette hypothèse. Celle-ci est bientôt relayée par Émile Desjardins, spécialiste de la géographie antique en 1856 et Jules Quicherat en 1857. En 1922, avec l’ « Enigme d’Alésia« , l’hypothèse d’Alaise est exhumée par Georges Colomb, botaniste et dessinateur précurseur de la bande dessinée. Il écrira également « La bataille d’Alésia » qui sera publié à titre posthume en 1950. Il faut attendre des fouilles des années 1952 et 1953 qui ne révèleront que des vestiges médiévaux pour mettre fin à l’hypothèse d’Alaise.

C’est vers 1962 qu’André Berthier qui conduisait des fouilles en Algérie, s’intéresse à la question d’Alésia après avoir lu « Alésia et les ruses de César » de Jérôme Carcopino (un partisan d’Alise). Berthier furieux de voir l’éminent historien remettre en cause la véracité des détails donnés par Jules César dans ses « Commentaires sur la Guerre des Gaules » décide de reprendre mot à mot la description du site:
« L’oppidum d’Alésia se trouvait au sommet d’une colline, en un lieu très élevé, de sorte qu’on voyait qu’il était impossible de le prendre, sinon par un siège. Les racines de cette colline étaient, de deux côtés, baignées par des rivières. En avant de l’oppidum lui-même, une surface plane s’étendait tout en longueur, sur environ trois mille pas ; de tous les autres côtés, la colline était entourée, à peu d’espaces, par des éminences de même altitude. » (paragraphe 69 du livre VII de la Guerre des Gaules de Jules César)

André Berthier trace ce qu’il appelle un « portrait robot » du site de la bataille. En 1984, il défendra ses hypothèses, en particulier « La Méthode du Portrait-robot » au 109e Congrès national des sociétés savantes tenu à l’université de Dijon. En posant son calque sur la carte de France, il invalide Alise-Sainte-Reine qui ne correspond pas à la description topologique, les dimensions, et la cohérence avec l’itinéraire présentée par César. Mais par miracle un lieu correspond Chaux-des Crotenay / Syam. Le passage de Dion Cassius situant Alésia chez les Séquanes prend alors selon lui tout son sens et renforce cette hypothèse.

En 1980, il fonde l’Association Lemme Et Saine d’Intérêt Archéologique (A.L.E.S.I.A.) pour soutenir ses hypothèses. Il trouvera un appui auprès de l’abbé André Wartelle, Danielle Porte , Maître de Conférences de latin à la Sorbonne, le cinéaste Jean-Pierre Picot qui a créé un site internet pour défendre cette hypothèse (http://alesia.jura.free.fr/) ou encore aujourd’hui avec le journaliste Franck Ferrand qui souhaite une campagne de fouilles « ambitieuse et méthodique » du site. Un reportage « Alésia, la bataille continue » de 50 mn analysant cette hypothèse a été présenté sur la chaîne Canal Plus en décembre 2008 (vous pouvez le voir sur dailymotion). En réaction le Muséoparc d’Alésia a publié un communiqué signé par 12 scientifiques dénonçant la « désinformation » du reportage. Petit extrait rien que pour vous :

« Le film Alésia : la bataille continue, programmé par Canal + vendredi 12 décembre laisse pantois les scientifiques que nous sommes. Nous sommes très étonnés qu’un média aussi sérieux ait diffusé, dans le cadre d’un magazine d’investigation, un documentaire aussi partial et incomplet. Accumulant erreurs et approximations historiques et archéologiques sur la localisation du siège de 52 av. J-C., il tente de réveiller une thèse récusée depuis longtemps par la communauté scientifique. Le réalisateur s’était en fait bien gardé de jouer cartes sur table avec ses interlocuteurs d’Alise-Sainte-Reine dans le but évident de décontextualiser leurs propos et de les insérer dans une trame prédéfinie visant à les décrédibiliser. »

Et à Franck Ferrand de réveiller le débat avec son livre « L’histoire interdite » et son article dans un numéro spécial d’Historia cet été ! (voir la bibliographie)

Un extrait de sa réponse aux 12 scientifiques ? Aller soyons fous :

« Quoique épargné par cette protestation, je sais trop ce que le documentaire incriminé doit à la parution de mon dernier ouvrage pour rester muet plus longtemps.(…)On aurait aimé, au-delà de ces griefs un peu vains, voir les donneurs de leçons apporter ne serait-ce qu’un début de réponse à toutes les grandes questions en suspens.(…) Au fond, il est navrant que des personnalités éminentes mettent leur titre, leur autorité, leur poids moral au service, non de la vérité ou d’une recherche de vérité, mais d’une cause officielle éculée, absurde, chaque jour plus douteuse et friable.(…) Personne ne se grandit à nier une évidence ; et lorsque, tôt ou tard, certains travaux en cours viendront confirmer de manière définitive les conclusions d’André Berthier sur la localisation d’Alésia dans le Jura, le jugement de la postérité sera sans indulgence pour celles et ceux qui, bien qu’avertis, auront usé de leur influence pour retarder la manifestation de la vérité. »

La multiplication des sites possibles :

En vrac voici les autres sites revendiqués dans l’histoire :

1865 : Alise-Izernore dans l’Ain, le site d’Izernore dans le Jura qui avait été proposé comme lieu possible de la bataille par Jacques Maissiat en 1865 dans son ouvrage « Jules César en Gaule » Hypothèse défendu aussi par Férréol Butavand, ingénieur polytechnicien originaire du village proche de Nurieux-Volognat dans les années 1930

31 mai 1866 : Novalaise en Savoie, avec l’ouvrage de Théodore Fivel “L’Alésia de César : près de Novalaise sur les abords du Rhône » architecte à Chambéry et membre de plusieurs sociétés savantes !

Luzy dans la Nièvre, proposé par Jean Paul Lacombe « L’Alésia nivernaise » paru dans « Trésors de l’Histoire » n°230.

Salins les Bains dans le jura, une hypothèse de Pierre Jeandot avec son livre « Les mandubiens et leur Alésia » aujourd’hui soutenue par une association AMSASMA

1984 : Guillon dans l’Yonne, Bernard Fèvre défend l’hypothèse de ce site en s’appuyant sur le texte de Diodore de Sicile qui raconte qu’Alésia a été fondée par Héraclès. L’auteur Sylvain Tristan réutilise cette hypothèse pour expliquer que les mandubiens étaient les héritiers d’un peuple à l’origine des monuments mégalithiques… Les atlantes en personnes (Oui, oui vous lisez bien !)

Montbéliard dans le Doubs,la théorie de Bernard Loiseau, un infirmier libéral que vous pouvez lire dans son ouvrage « En passant par la Mandubie ». Si vous voulez en savoir davantage voici le lien : http://www.alesia-montbeliard.com/

Et la liste est loin d’être exhaustive !

150 ans de suppositions, en oubliant les découvertes archéologiques d’Alise-Sainte -Reine au passage, près d’une quinzaine de site revendiqués… Et le retour de la querelle relancée par les médias au moment où les travaux de l’archéodrome national à Alise-Sainte Reine, le fameux MuséoParc Alésia, ont commencé. Pas de chance comme on dit non ?

Voilà j’espère que cet article aura piqué votre curiosité ou tout au moins vous aura fait sourire !

Sarah Hubert-Marquez

Bibliographie :

Sources :
Dion Cassus « L’histoire romaine »
Jules César « Commentaires sur la Guerre des Gaules, Traduit par L-Constans, LE LIVRE DE POCHE, 1961
Plutarque « La vie de César »

Ouvrages généraux :
J. Lacroix, « Les noms d’origine gauloise. La Gaule des combats », Ed Errance, 2003

Ouvrage spécialisés :
J. Berger, « Alésia-Chaux des Crotenay. Pourquoi ? », A.L.E.S.I.A, 2004
A. Berthier et A. Wartelle, « ALESIA » Nouvelles Editions Latines, 1990
J.Carcopino « Alésia et les ruses de César », collection Vieux Fonds Fic, Flammarion, 1992.
D. Porte, « L’Imposture Alésia », éd. Carnot, Paris, 2004
J. Quicherat, « L’Alésia de César rendue à la Franche-Comté », 1857
M. Reddé, « Alésia – L’archéologie face à l’imaginaire », Errance – Hauts lieux de l’Histoire, Paris, 2003
M. Reddé et S. von Schnurbein dir., « Alésia et la bataille du Teutoburg : un parallèle critique des sources », Institut historique allemand, 2008.
V. Revillout « Alaise Alise ni l’une mi l’autre ne peut être Alesia: études critiques d’histoire et de topographie », A. Durand, 1856.

Articles :
Historia thématique n°120, « Les grandes énigmes de l’archéologie », article « Où a eu lieu la bataille d’Alésia ? » de Franck Ferrand, p.52

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