Akiza, l’espiègle poupée graphique s’expose à Dijon

Akiza, l’espiègle poupée graphique s’expose à Dijon

Interview parue sur le site d’informations locales infos-dijon.com le 10 mars 2011.

L’inventeur de la célèbre poupée graphique Akiza, Robinson Deschamps expose jusqu’au 30 avril à Dijon à la boutique Ciel Rouge. Gagnant du Morisawa Awards en 2003, un concours international de typographie, pour la création de la police d’écriture « La Mounira », Robinson Deschamps est inspiré par la verticalité architecturale de Tokyo et a l’idée de ce personnage « unique et nombreuse à la fois ». Toujours avec le même visage, Akiza s’habille d’entrelacs de câbles, de grillages, de rouages mécaniques, tantôt innocente, tantôt subversive, elle ne laisse jamais indifférent. Amélie Nothomb dira du travail de Robinson Deschamps lors de l’émission « Métropolis » sur la chaîne ARTE diffusée le 10 février 2007 qu‘« il s’agit d’un art sur les limites de l’humain ». Avec sa créature métamorphe Robinson Deschamps a crée une véritable cryptographie, un nouveau langage de signes en mêlant calligraphie, éléments industriels et organiques. Akiza , l’impudique effigie aux os métalliques se dévoile dans l’artbook « MUTE » que Robinson a co-réalisé avec la complicité de YoSHii. Les dijonnais pourront venir les rencontrer et découvrir l’ouvrage, le samedi 12 mars dans l’après-midi au magasin Ciel Rouge. Pour percer les secrets de l’énigme Akiza, nous les avons interviewé :

S.H-M :  Vous venez exposer pour la première fois à Dijon vos toiles, sérigraphies et lithographies d’Akiza,  qu’est-ce qui vous a motivé pour venir à la rencontre le public dijonnais ?

Robinson :

« On a eu vent d’une chouette qui porte bonheur si on la caresse de la main gauche.
Nous avons donc contacté Ciel rouge, qui présente Akiza sur Dijon pour organiser
quelque chose au plus vite dans sa cave et nous faire inviter… »

YoSHii : « J’aime voyager, découvrir de nouveaux endroits et venir à la rencontre des gens qui s’intéressent à Akiza. C’est toujours un moment très enivrant et j’ai besoin de cette stimulation extérieure sans laquelle je m’ennuierais terriblement dans la vie. »

S.H-M : Vous avez commencé par des études en biologie pour devenir « savant fou », d’où est venu le déclic pour vous lancer dans la typographie et le graphisme ?

Robinson :

« Le trait qui va droit au but et vous crève un œil.
Danser le signe blanc et le signe noir au même instant. »

S.H-M : Et vous Yoshii, quel est votre parcours avant de rencontrer Akiza ?

YoSHii : « Beaucoup de chemins de traverse et de choses diverses… Fac de lettres, du droit, linguistique, techniques de communication. Puis fac et école de cinéma à Paris pour être cadreur pendant huit années. J’ai travaillé pour diverses télévisions, fait des reportages, participé à des documentaires, quelques court-métrages… J’ai donc ce qu’on appelle « un œil », une sensibilité visuelle et aussi, de par ma formation initiale en linguistique, un intérêt particulier pour l’écrit et les mots. »

S.H-M : Pouvez-vous nous dire ce qui vous a décidé de travailler ensemble ?

Robinson : « L’amour, l’humour et l’ambition. C’est la chance qu’on attrape en plein vol.
Qui hésiterait très longtemps quand une jolie brune qui partage vos goûts
vous propose de tout tenter pour vous et vos dessins ? »

YoSHii : « Un coup de foudre pour le travail de Robinson. La sensation qu’il méritait une aide sérieuse pour l’aider à se faire connaître. Ce qui m’a interpellée c’est que lorsqu’au tout début, il me laissait des flyers à distribuer dans les soirées parisiennes, j’ai vu que beaucoup de gens regardaient ces flyers avec une réelle curiosité et se demandaient ce qui se cachait derrière ces étranges dessins. Je me suis dit qu’il y avait du potentiel. Au bout de six années de travail intense ensemble, je suis toujours convaincue que le style de Robinson est unique et qu’il mérite une place dans le monde de l’art contemporain. »

S.H-M : Comment vient l’envie de créer une nouvelle Akiza ?

Robinson : « Une rencontre, une idée, un événement ou un virement de compte à compte.
Des thèmes, des rythmes, nous tiennent à cœur et on les explore petit à petit…
Nous prenons aussi des commandes. Portraitistes de l’alternative mondaine. »

YoSHii : « Selon nos humeurs, en fonction du but recherché et surtout selon nos rencontres et les gens qui passent dans notre vie et qui nous inspirent ; ce sont surtout ceux qui ont un univers personnel fort et très développé, que nous admirons, mais aussi qui sont sensibles à l’esthétique d’Akiza. »

S.H-M : Avec tout ses paradoxes, Akiza ne vous énerve-t-elle pas parfois ? N’y a-t-il jamais de lassitude à la dessiner ou vous inspire-t-elle toujours ? Pourquoi ?

Robinson : « Akiza est mutante, caméléon et phœnix. Du bonbon dur en pétrole mou.
Elle se réplique, s’intervertit et se réinvente sans cesse.
Il y a mille façons pour la contourner, la détourner et la plier.
Je l’aime pour son inconstance comme pour sa constance. »

YoSHii : « Je me suis souvent dit qu’Akiza était universelle et qu’elle ne pouvait que plaire à tout le monde. Du noir, du blanc, des lignes directrices fortes. Un langage qui percute  et une réelle esthétique. Le talent de Robinson me semble incontestable. Il ne se trompe pas souvent dans la conception de ses dessins. Et s’il se trompe, s’il lui arrive de bloquer, je ne me prive pas pour l’aiguiller et lui donner mon avis. J’aime bien aussi lorsqu’on travaille ensemble sur la conception d’une Akiza. C’est toujours aussi passionnant. Cela dit, avec les années, je me suis rendue compte, et même si ma sensibilité première me porte vers là,  que nous étions trop souvent catalogués “gothiques”. Noir et blanc rime d’abord avec élégance et efficacité, mais les gens ont besoin de mettre des noms sur les choses et les choses dans des petites cases pour se rassurer. C’est un peu dommage. Donc du coup, j’ai remarqué qu’Akiza n’était pas universelle et ne plaisait pas à tout le monde. Surtout aux filles qui mettent des bottes marrons avec des pantalons noirs. Ce qui tombe bien parce que je n’aime pas les filles qui mettent des bottes marrons avec des pantalons noirs. Pour moi, c’est le summum du mauvais goût bobo. Et comme chez Akiza, on aime plus l’esthétique punk que l’esthétique bobo, ça tombe bien. »

S.H-M : Avec toutes ses métamorphoses et ses slogans « So dark », « So cute » ou « Fetish yourself » que veut nous dire Akiza ?

Robinson :« Le monde d’Akiza est sobre, esthétique, ludique et sexué.
Un point bien mesuré, posé juste entre le punk et la décence.
Notre niveau de vice n’est pas négociable. Il est légitime et nécessaire.
Nous ne plierons que sous la violence, la menace, la contrainte ou la surprise. »

YoSHii : « Pour cette année, ce sera : Punk is not dead. »

S.H-M : On dit que l’artiste se cache toujours derrière sa création, que doit-on en conclure sur vous ?

Robinson :« Constant, raisonnable et décalé ?
Tranché, ambigu et concerné ?
Faussaire, bien coiffé et multiple ? »

S.H-M : YoSHii, trouvez-vous que Robinson ressemble à Akiza ? Pourquoi ?

YoSHii : « Je ne vais pas tout dévoiler mais Robinson ne ressemble pas à Akiza… Il est Akiza. »

S.H-M : Devenue une icône gothique, Akiza c’est aussi une marque avec la création d’une ligne de vêtements et des produits dérivés. N’avez vous pas peur, comme Ben qui a inondé le marché de ses aphorismes calligraphiés sur de nombreux supports, qu’on vous reproche l’exploitation commerciale de ce concept artistique ou est-ce un parti pris ?

Robinson :« Nous ne faisons aucune publicité.
Nous préférons la persuasion, la manipulation, le charme, le chantage et l’intimidation.
ça ne me pose ABSOLUMENT aucun problème. Notre âge est post-pop, post-Warhol, post-Ben.
Celui qui nous reprochera quoique ce soit aura sans doute du mal à justifier ses propres
renoncements… Akiza est une démarche globale d’invasion et de confusion.
Un point de symétrie parmi d’autres entre l’art et la commerce, comme votre œil droit et ma main gauche. »

YoSHii: « C’est un vrai parti pris, une démarche pop que je trouve très intéressante à gérer. Mon rêve serait d’ailleurs d’ouvrir un concept-store Akiza en plein Paris. J’ai mille idées et je suis convaincue qu’on pourrait créer une dynamique énorme si on avait les moyens financiers. Nous avons pu tester déjà et avons vu que nous arrivons à déplacer les gens dans des endroits différents à chaque fois. L’été dernier, nous avons ouvert notre premier pop up store là où nous habitons actuellement à Vallauris près de Cannes, et réitérons l’expérience cette année à partir de mai jusque fin septembre. C’est un peu un galop d’essai avant le grand saut très bientôt à Paris. A notre grande surprise, des gens de tous les coins de France se sont déplacés rien que pour voir notre boutique galerie et passer un moment ensemble. A Paris, il y aura des soirées, des vernissages, des artistes invités triés sur le volet en rapport avec l’univers d’Akiza. Ce sera enfin l’occasion de le développer sans entrave, à notre manière et de faire découvrir une esthétique artistique autre. Celle qui nous tient à cœur, la vraie, la belle ! »

Sarah Hubert-Marquez

Plus d’infos : http://www.akiza.net/

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